Quand Chloé Dabert, Magali Dupin et Sébastien Éveno m’ont invitée à devenir pour trois ans artiste associée ici, à la Comédie, je ne connaissais pas cette ville à part, comme tout le monde, pour Jeanne d’Arc et le champagne.
Je n’avais pas de souvenirs dans cette ville. Je n’y ai pas vécu de joie, je n’y ai pas vécu de tristesse. C’est une ville avec laquelle je n’ai pas d’intime.
Je crois qu’au départ, cette cartographie sensible, c’était pour moi le moyen de me permettre d’aimer Reims, d’apprivoiser Reims en déposant en moi des souvenirs, des passés qui ne sont pas les miens et que je m’approprie.
Aussi, dans tout ce que je fais, et même si je n’en ai pas forcément conscience au moment où je le fais, se pose systématiquement la question de la trace, de comment garder vivant et au présent ce qui n’est plus là.
Qu’est-ce qui reste de cette main frôlée sur cette table à la terrasse de ce café, il y a vingt ans ?
Et moi, je ne peux pas me résoudre à ce que plus rien ne reste de ces moments que nous avons traversés et qui nous ont traversés.
Que les lieux ne gardent pas en eux nos histoires et les traces de nos passages.
Non, je ne peux pas me résoudre à ça.
Cette cartographie sensible, c’est donc accueillir ces fantômes, accueillir ces bribes de vie qui ne vivent plus et faire le pari qu’ensemble, et pour un tout petit instant, ils puissent superposer leurs corps sépulcraux à notre présent encore présent.

Noëmie Ksicova
08 juin 2023