Au sein d’Animal Architecte, depuis sept ans chaque création est une écriture de plateau, c’est-à-dire un processus de répétition au cours duquel nous nous posons sans cesse une question très concrète : comment, à partir de matériaux non théâtraux, fabriquer du théâtre ?
Dans le travail de création, à chaque fois, nous partons au départ de fragments très variés qui nous touchent et qui peuvent être de toute nature, venir de partout : un problème vécu, une photographie, une question obsédante, un bout de texte non théâtral, roman, poème, essai …, mais aussi une archive, un souvenir réel, une scène de série, une question … À chaque fois nous cherchons ensuite concrètement au plateau comment faire vivre ce matériau en théâtre, c’est-à-dire comment le transposer en acte, en corps, en dialogue, en adresse concrète, en présence, et surtout en moment.
C’est une forme de magie : de l’abstrait devient du concret ; de l’inerte devient du mouvement et du changement ; du théorique devient de l’émotion ; du passé devient du présent ; du mental devient un rapport au public. La boussole de ce travail, c’est toujours le ludique : qu’est-ce qui fait que ça joue ? qu’il se passe quelque chose ?
Dans mon expérience, dans ce processus de travail, on ne peut jamais savoir exactement d’avance comment faire théâtre avec tel ou tel objet. Mais en revanche, quand ça a lieu, ça se sent. Et aussi à force de s’exercer à transposer, ré-écrire, adapter, donner corps, bref à force de chercher par où ça passe le théâtre et le jeu, on commence en revanche à élaborer des outils de répétition qui aident à chercher ça, cette étincelle, et notamment des protocoles d’improvisation, de « mise en jeu ».
C’est cette méthode de travail - et cette recherche - que nous avons développée petit à petit au sein d’Animal Architecte qu’il s’agira de partager ici : des manières d’organiser le travail avec les acteur·ices pour chercher à écrire ensemble en théâtre, sans texte théâtral préalable. Pour à partir de l’hétérogène et de la spontanéité, composer progressivement une forme unifiée, un spectacle partageable, qu’on peut répéter pour sans cesse l’approfondir.
On prendra donc le temps du stage comme les trois semaines de répétition d’une petite forme qu’il s’agira vraiment de composer ensemble à partir de matériaux épars : certains que j’apporterai moi, d’autres que les stagiaires auront à fournir de leur côté. Ces matériaux seront réunis par une question : celle des « scènes de justice ».
Ce sera l’axe central autour desquels nous organiserons ce travail au plateau. Dans quelles situations concrètes la justice se joue-t-elle, pour nous aujourd’hui ? Avec quels mots ? Dans quelle(s) langue(s) ? À quels conflits de valeur, de corps, de pouvoirs donne-t-elle place ? Qu’est-ce que le sentiment d’injustice et le désir de justice inspire comme émotions, comme énergie, comme mouvements ? Les matériaux apportés et mis en jeu pourront être réels ou fictionnels, intimes ou collectifs, documentaires ou poétiques, appartenir au passé ou au présent.
Cet axe de travail autour des scènes de justice rejoint le cycle de travail actuel d’Animal Architecte, centré sur les rapports entre pouvoirs et contre-pouvoirs, rapports de force et conflits de valeur dans la société. Par « scènes de justice », j’entends aussi bien des procès concrets, historiques, que des émotions vécues ou des sentiments plus intérieurs, plus bizarres. L’idée est de chercher où le sentiment de justice et d’injustice se joue pour nous et comment il peut se traduire sensiblement au plateau, avec tous les conflits qu’il suppose.
– Camille Dagen
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